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N°6 - Tome 6, Chapitre 2 complet

Chapitre 2 – Qui a constaté sa fin de ses propres yeux ?[1]

Qui est-ce ? Qui a fait cela au Rouge-gorge ?
C’est moi. Se présenta le moineau.
J’ai encoché une flèche sur cet arc,
Et je l’ai abattu d’un trait.
Qui a constaté la fin du Rouge-gorge de ses propres yeux ?
C’est moi. Se présenta la libellule.
J’ai ouvert grand mon œil,
Et assurément je l’ai constaté de mes propres yeux.
(La Mère l’Oie Traductrice Ishikawa Sumiko Editions Torikagesha)

L’homme regardait fixement la pièce d’or qu’Inukashi lui avait donnée.
C’est une vraie.chuchota Inukashi au profil tordu du menton maigre de l’homme. Afin d’être entendu autant que possible, il avait baissé la voix de manière solennelle.
C’est une vraie… pièce d’or ?
La pomme d’Adam de l’homme fit des aller-et-retour.
Tu peux l’observée sous tous les angles. De quelques façon dont tu la regardes, c’est une vraie.
Oui, oui… c’est une vraie.
C’est la tienne.ajouta Inukashi avec un débit plus rapide, comme pour le presser.
La mienne ?dit l’homme, le menton tremblant.
C’est cela, elle est à toi. Je te la donne.
Quoi ? Ah, mais, c’est une pièce d’or ! C’est une telle somme d’argent…
Bien sûr, elle n’est pas gratuite. Je ne suis pas un bienfaiteur qui donne l’argent qui lui reste. Je te la donne en tant que rétribution pour un travail. Cela te va ?
Un travail ?
Les yeux de l’homme quittèrent la pièce d’or pour se fixer sur Inukashi. Ses yeux ronds ressemblaient à ceux d’un petit animal effrayé. Ils furent traversés par un soupçon de suspicion.
 Allez, c’est maintenant.
 Inukashi serra les poings.
 A partir de là, c’est un moment critique. Je ne dois pas donner à ce type une chance de trop cogiter. Je ne dois pas le laisser être pris par la méfiance. Je lui montre la pièce d’or et je l’invite. C’est une pièce d’or, une pièce d’or. Allez ce n’est pas un vulgaire machin que tu as sous les yeux. En plus maintenant, ce type désire cet argent… Après tout, qui ne désire pas d’argent, à part les morts.
 Mettre sous le nez de l’adversaire ce qu’il désire le plus. Le capturer avec des mots habiles. L’acculer jusqu’à ce qu’il ne puisse plus s’enfuir. Avec soin et adresse. Cela devrait être bon si j’imite la manière de procéder de Nezumi. Il me l’a fait assez souvent pour que j’en ai ras-le-bol.
Kss[2]. Inukashi eu l’impression d’entendre la voix moqueuse de Nezumi. Il vit même son sourire ironique si particulier.
Ne fais-tu pas exactement comme je te l’ai appris ? Bon garçon. Après, je te donnerais une récompense[3].
Ferme-la, Nezumi. Je ne fais pas cela pour t’aider en particulier. C’est l’or. Je franchis un pont dangereux, afin de mettre la main sur l’or.
 Inukashi secoua la tête et chassa l’illusion.
Ne surgis pas dans ma tête de manière inopinée, imbécile.
Un travail… Que veux-tu dire ?
Un travail est un travail. Je te confie un boulot. Payé une pièce d’or.
 Il claqua des doigts. L’homme cligna des yeux. Ils s’assombrirent encore plus de suspicion.
 L’homme s’appelait Getsuyaku. Son travail dans la Maison de redressement consistait à gérer les nettoyages. Il était un client régulier d’Inukashi. Cela faisait longtemps que Gestuyaku l’approvisionnait avec les ordures et les restes de nourritures de la Maison de redressement. Bien sûr, c’était de la revente illégale, sur le marché noir. Une fois tous les trois jours, Inukashi recevait un chargement de nourriture et de déchets, et il lui donnait une rémunération appropriée. La plupart du temps, c’était quelques pièces de cuivre. S’il y avait une véritable trouvaille, une pièce d’argent.
 Cependant, c’était peut-être la première fois qu’ils avaient une si longue conversation. Habituellement, c’était quelques mots comme : C’est tout.」「Merci. Ton paiement.」「Ah, oui.. A ce niveau, on ne peut pas parler de conversation, leurs yeux ne se croisaient même pas. Cela avait toujours été ainsi.
Getsuyaku gérait les déchets qui sortaient de la Maison de redressement, et il se chargeait du maniement des robots nettoyeurs à l’intérieur et de l’incinération des déchets. Toute la journée, il était seul dans une petite pièce à côté de la zone de stockage et de l’incinérateur à manipuler les machines.
Quand je suis ici[4], je suis toujours silencieux. Je ne vois personne et je ne parle à personne. Je suis effroyablement seul. Parfois, je ne sais plus si je suis un être humain ou une machine.s’était longuement plaint Getsuyaku, dans un rare moment. Inukashi lui avait répondu négligemment. Montrant de la sympathie, il avait acquiescé, alors qu’il l’injuriait en son for-intérieur :
Fais pas le bébé !
La salle de contrôle de nettoyage des immondices et des restes de nourriture était la plus éloignée dans la Maison de redressement. Toutes les ordures du complexe y étaient rassemblées. Le travail des machines était de les trier, de les transporter jusqu’à l’incinérateur, d’ajuster la température du four et de se débarrasser des cendres. Presque tout le processus était traité automatiquement. Une seule personne suffisait. Un lieu de travail où il n’y avait personne à qui parler était sûrement isolé. Alors quoi ? N’avoir personne à qui parler durant toute la journée ce n’est pas la mort.
Essaye de vivre une vie où tu as faim, si faim que tu ne peux penser qu’à de la nourriture toute la journée. Essaye de passer chaque jour à sucer des cailloux afin de supporter la faim. L’isolement ? Ce genre de chose, n’est-ce pas un jouet de luxe pour vous, les gens qui peuvent remplir leur estomac.
En son for-intérieur, Inukashi ne faisait que le mépriser. Tout haut, il se montrait désolé, ne présentant qu’une fausse compassion. Gestuyaku était un partenaire commercial. Il ne devait pas le vexer.
 A partir du triage, en passant par l’incinération et jusqu’au nettoyage du four, tout était automatisé. Mais l’étape précédant le triage nécessitait une intervention humaine. C’était l’opération qui consistait à transférer les ordures depuis la zone de stockage par un tapis roulant. Pourquoi ce processus était-il le seul à ne pas être automatisé ? Getsuyaku devait placer les ordures sur le tapis en manœuvrant lui-même une petite pelle mécanique. De temps en temps, avec des outils désuets, il l’entretenait lui-même. Dans ces moments-là, il séparait rapidement du reste les déchets ménagers et les vêtements qui pouvaient encore être utilisés, et les dissimulait. C’est ce qu’Inukashi lui achetait. Inukashi vendait ensuite en gros les marchandises qu’il s’était procuré à la boutique de vieilles fripes et aux vendeurs de nourriture du Block ouest. Il y gagnait plus ou moins assez d’argent.
 Pour Inukashi, le fait que le début du processus automatique soit manuel était une aubaine miraculeuse. C’est grâce à cela que ses affaires tenaient debout.
Sur le lieu de travail de Getsuyaku, aucune caméra de sécurité ou de système d’alarme n’avait été installée. S’il y avait un phénomène inattendu, il devait lui-même appuyé sur un interrupteur d’urgence qui se trouvait sur le bord de son panneau de contrôle.
Même si je presse dessus, je ne pense pas qu’ils viendraient à mon secours.Iunukashi entendit à nouveau Getsuyaku se chuchoter à lui-même, en regardant l’interrupteur de couleur rouge.
Les employés de la Maison de redressement étaient emmenés par des navettes depuis l’entrée principale à chacune de leur section. Cependant, Inukashi avait entendu dire que Getsuyaku seul, était fourré dans un véhicule démodé.
Etre traité de cette manière me rend malheureux. Comment le dire, j’ai l’impression d’avoir perdu toute fierté.
 C’était sûrement encore l’une de ses plaintes. Depuis un moment, Getsuyaku se distinguait par la multiplication de ses plaintes.
 Fierté ? Ah, après la solitude, c’est la fierté. Il fait encore l’étalage d’un jouet de luxe. Vraiment, j’aimerais entendre quelque chose qui me remplisse l’estomac.
 Continuait de penser Inukashi en son for-intérieur.
 Il se fichait de la fierté ou de la solitude de Getsuyaku. Il chérissait le fait que cet endroit était le seul qui échappait au système de surveillance omniprésent mis en place par la Maison de redressement. C’était aussi le seul endroit où N°6 et le Block ouest se touchait sans aucune barrière. Il était naturel que Nezumi aussi le garde à l’œil.
 Cependant, depuis là, on ne pouvait pas pénétrer dans la Maison de redressement. Le couloir qui conduisait à l’intérieur du complexe était isolé par une double porte. Elle avait été conçue pour qu’il soit impossible de l’ouvrir depuis le côté de Getsuyaku.
Les personnes qui avaient imaginé ce solide bâtiment s’étaient vraiment livrés corps et âme pour en faire une prison extrêmement difficile à pénétrer ou à fuir ; peut-être avaient-ils été négligents pour le système de traitement des déchets ? Non, ils n’avaient pas la moindre considération pour la personne qui s’occuperait de gérer les nettoyages. Même dans l’Office de l’ordre public qui avait le contrôle sur la Maison de redressement, il ne devait  pas y avoir un seul fonctionnaire qui ne songeait à l’environnement de travail de Getsuyaku. Si un accident survenait durant l’opération, et si Getsuyaku subissait une blessure mortelle, il n’y aurait aucune chance sur mille pour que la porte soit ouverte depuis l’intérieur de la Maison et que l’équipe de secours se précipitent à son aide. La porte resterait fermée et Getsuyaku mourrait.
 Si on y pense, c’est un peu étrange.
 Getsuyaku, qui vit à Lost Town[5], était un citoyen de seconde zone. Pourtant, cela ne changeait pas le fait qu’il habitait à l’intérieur de la cité sainte. Il était peut-être pauvre, mais il vivait sans connaître la morsure du froid ou la peur de la famine. Il avait la chance de pouvoir pleurer sur sa solitude. Pour les habitants du Block ouest comme Inukashi, sa vie était semblable à un paradis.
 Inukashi avait compris que Getsuyaku était bon et honnête en échangeant à peine quelques mots avec lui. Même si parfois apparaissait dans son regard de la supériorité et du mépris lorsqu’il regardait Inukashi, qui était un habitant du Block ouest.
 Je suis quand même supérieur à ce type.
 J’ai amplement de quoi manger.
 Je vis sans avoir froid, même en plein hiver.
 Moi, je suis un citoyen de N°6.
C’est pourquoi je suis supérieur à ce type.
 C’était amusant.
 Les gens se classaient en hiérarchies. Les personnes qui étaient méprisées et qu’on regardait de haut, méprisaient et regardaient de haut les autres. Ce n’était pas une contrainte du fonctionnement de la société, les gens se classifiaient dans leur propre cœur et par leur propre volonté.
 Getsuyaku qui était traité plus bas qu’une machine par les hautes sphères de N°6, et qui se lamentait et même se plaignait de ce traitement, faisait preuve de supériorité envers Inukashi qui vivait dans un recoin du Block ouest. Il le méprisait.
 C’était amusant. Et, c’était étrange.
 Inukashi pensait que parfois les êtres humains étaient plus stupides que des chiens. Les chiens ont aussi une hiérarchie, mais elle dépendait de la force de chaque chien. Les chiens ne décidaient pas de la supériorité ou de l’infériorité selon le pedigree, le pelage ou lieu d’origine.
 Les humains faisaient tranquillement ce que même les chiens ne faisaient pas. Vraiment, qu’est-ce qu’ils étaient stupides…….
 On est tous pareils.
 Brusquement, Inukashi se souvint d’une voix. Elle résonna paisiblement au fond de son esprit. Ce n’était pas celle de Nezumi. La sienne était vive, mais pas aussi douce.
Shion……
 C’est cet étrange gamin de bonne famille aux cheveux blancs. Par-dessus le marché, c’est un criminel en fuite de première classe. Un des criminels les plus recherchés. Ce n’est pas quelque chose que l’on souhaite devenir. J’en suis encore stupéfait, vraiment. Pourtant, il est d’une nature extrêmement naïve… Je ne le comprends absolument pas. Quoi qu’il en soit, c’est un type bizarre.
 C’est ce qu’il avait dit.
 Les êtres humains sont tous pareils, Inukashi.
 Toi et moi, on est pareil ? lui avais-je demandé.
 Oui.
 Nous sommes pareils aux habitants de N°6 ?
 Oui. m’avait-il clairement répondu, sans aucune hésitation.
 Shion. Tu es vraiment un type bizarre.
 Dis, Shion. Dans ton cœur, il n’y a pas de classes sociales ? Tu ne fais vraiment aucune démarcation parmi le genre humain ? Ne méprises-tu personne et ne te sens-tu pas supérieur à quelqu’un ?
Shion, sommes-nous vraiment égaux en tant qu’être humain ?
Ce travail… c’est quoi ?vint lui demandé une voix enrouée. Perdu dans ses pensées, Inukashi ne réagit pas tout de suite.
Quoi ?
Ce travail pour une pièce d’or… Qu’est-ce que je devrais faire ?
Ah, oui, le travail…
Oh là là ! Contrairement à ce que je m’attendais, Getsuyaku a mordu facilement à l’hameçon. Il semble que ce vieux a vraiment besoin d’argent.
Je te l’ai déjà dit avant, mais je refuse tout travail dangereux. Mon bébé va naître au printemps. A partir de maintenant, je dois sérieusement gagner ma vie. Pour rien au monde je n’accepterais un travail où je risquerais ma vie.
 Oui, oui, c’est bon. Tu ne veux pas rencontrer le danger. Cependant, tu désires avoir plus d’argent. Je vois.
 Inukashi étrécit les yeux et sourit doucement. Ce sourire aussi, il l’avait appris de Nezumi. Quand tu veux allécher un adversaire, présente-lui un gentil sourire. Si possible, qu’il soit si beau que sa respiration soit bloquée dans sa gorge…
Il m’est impossible d’y arriver à ce point. Je ne suis pas un acteur. Je ne suis pas capable de berner facilement les autres comme Nezumi.
Quoi qu’il en soit je lui souris. Et ensuite... ensuite que dois-je faire, Nezumi ?
Son cœur s’affola. Ses battements exerçaient une pression dans sa poitrine. Dokun-dokun[6] faisaient-ils. Les paumes de ses mains tremblantes étaient moites de sueur. De la sueur coulait aussi le long de son dos. Sa gorge était sèche et sa langue brûlante.
Inukashi compris qu’il était horriblement nerveux.
Il devait convaincre cet homme d’une manière ou d’une autre. Il devait lui faire faire ce qu’il voulait. Il devait le faire. S’il échouait, la sortie de secours de Nezumi et de Shion serait complètement close. Il pourrait ne plus jamais les revoir.
Depuis le début, c’était un pari insensé. Il y avait moins d’un pourcent de chance qu’ils puissent s’échapper de la Maison de redressement. Ces deux-là s’en fichaient. Il pensait qu’ils étaient stupides. Le comble de la stupidité. C’était logique que les imbéciles meurent. C’était bien mérité.
Je le sais, je le sais bien. Et pourtant…
Moi, je souhaite qu’ils reviennent. J’ai envie de les voir encore une fois. Oui, bien sûr, je veux aussi mettre la main sur l’or. Mes yeux sont éblouis par la montagne d’or. Pourtant, je veux les revoir. Le rire et les paroles sarcastiques de Nezumi, les bavardages boiteux de Shion, je veux pouvoir les entendre encore une fois.
Quoi, vous êtes revenus ?
On est revenu. Je te l’avais dit que l’on reviendrait. Je ne fais pas de promesse en l’air.
Tss, arrête d’essayer de paraître cool, Nezumi. Ne m’oblige pas encore à écouter tes balivernes. Vraiment, j’ai ras-le-bol !
Inukashi, désolé de t’avoir inquiété.
Inquiet ? Ah, Shion, qu’est-ce que tu racontes-la ? Je n’ai pas du tout été…
Tu étais inquiet, n’est-ce pas ?
Idiot.
Je veux tellement avoir cette conversation avec eux. Je le souhaite.
Je… Je prie sérieusement pour qu’ils survivent, pour qu’ils reviennent vivants…
Je ne prie pas Dieu. Je n’ai pas recours à Lui. Je prie pour moi, je n’ai recours qu’à moi-même. Je ne fais que ce que je peux faire. Sans jamais abandonner…, je croirais en moi et en eux.
C’est cela prié, n’est-ce pas ? Nezumi.
Au sourire de Nezumi, Getsuyaku rentra le menton.
Finalement, il n’était pas aussi habile que Nezumi. Il avait été maladroit quelque part et cela avait ramené la méfiance de Getsuyaku.
Inukashi se racla la gorge une fois et fit la moue.
Et bien, et bien, félicitations. Rassure-toi, je n’ai pas l’intention de te demander quelque chose de stupide comme ta vie en échange d’or. C’est un travail facile, très facile. Mais, c’est quelque chose que toi seul peux faire. C’est pourquoi le salaire est d’une pièce d’or.
Bien que ce soit facile, tu me donnes une pièce d’or ?
C’est comme je l’ai dit : toi seul peux le faire. Je ne peux faire appel qu’à toi. Vraiment, toi seul peux y arriver. Si c’est toi, cela fonctionnera.
 Le visage de Getsuyaku se détendit un peu.
 Toi seul peux le faire.
 Si c’est toi, cela fonctionnera.
Inukashi chatouillait son orgueil. Il l’amadouait doucement avec ses paroles. Elles s’insinuaient plaisamment sans aucun doute dans son amour-propre constamment blessé.
Je t’en prie, prête-moi ta force, Getsuyaku-san.
Même en disant cela… Bon sang, qu’est-ce que je devrais faire ?
Je veux que tu détraques les robots nettoyeurs.
Quoi ?
Ici, tu ne fais pas que traiter les déchets, tu gères aussi les robots nettoyeurs à l’intérieur de la Maison de redressement, n’est-pas ?
Ah… et bien… Dire cela, alors que tout ce que je fais est d’allumer les robots qui sont en stand-by à l’intérieur du complexe. Ensuite, ils bougent à leur guise et commencent les nettoyages. Je ne fais leur maintenance qu’une fois par mois.
La prochaine maintenance est pour quel jour ?
Dans une semaine.
Tu ne pourrais pas le faire demain ?
Demain ? Demain, c’est le Jour Saint.
Oui, c’est exact. C’est un jour férié à N°6.
C… c’est un jour férié. Presque tout le monde est en congé… Moi aussi.
Ce n’est pas un jour de congé dans ton travail. N’est-ce pas ce que tu m’avais dit auparavant ? Tu n’as que trois jours de congé par mois, et le Jour Saintn’en fait pas parti. Tu avais maugréé à ce sujet, n’est-ce pas ?
C’est… C’est que… mais…
C’est simple. Tu trouves une raison, par exemple quelque chose avec leurs déplacements, et tu avances le jour de la maintenance d’une semaine. C’est tout ce que tu dois faire.
Non, faire une telle chose…
Tu peux le faire, n’est-ce pas ? N’y-a-t-il pas déjà eu quelques précédents ?
Shion lui avait dit ceci une fois :
On peut demander aux robots nettoyeurs des tâches complexes, en plus de ce que l’on attend d’eux normalement. Ils ressemblent au groupe d’Ippo que j’utilisais – Ici, Inukashi lui avait involontairement demandé ce qu’était Ippo. Il avait été stupéfié d’apprendre que c’était le nom d’un robot. Il semblait que c’était son collègue décédé qui les avait nommés. Chacun des trois robots était nommés ainsi : Ippo, Niho, Sanpo[7]. Il n’arrivait pas à croire à quel point ce type était insouciant. Il avait trouvé marrant que ce naïf qui nommait affectueusement ses souris, semblait le faire aussi pour ses robots. – Pour nettoyer le parc, ils font peut-être des mouvements relativement simples. Parce qu’ils n’ont pas à trier les petits déchets. Cependant, dans les bâtiments, mais pas dans les foyers, les ordures des lieux de travail sont rassemblées uniformément depuis les diverses sections. Comme les ordures de chaque section sont différentes, je pense que leur fonctionnement devient assez complexe.
Est-ce que cela veut dire que de méticuleuses maintenances sont nécessaires ? Tu ne peux pas dire qu’il n’y a pas de panne.avait été les mots de Nezumi. Shion avait acquiescé honnêtement.
A en juger par mon expérience, il doit y avoir pas mal de petits défauts. Par exemple, la fonction de triage qui baisse ou les mouvements qui deviennent lents.
Je vois.
Alors Nezumi avait souri en coin et m’avait jeté un regard.
C’était un regard déplaisant. Sa signification semblait étrangement limpide. Quand ce type vous lançait un tel regard, rien de bon n’arrivait. J’ai détourné le regard avec précipitation. Mais il était déjà trop tard.
Cette fois-là, je n’avais pas encore bien compris la signification de son regard. Maintenant, je sais.
Inukashi, n’est-ce pas ton tour d’entrée en scène ? C’est un rôle vital. Interprète-le correctement.
Je le sais. Regarde-moi, Nezumi. Je vais faire une interprétation si excellente que ton jeu d’Eve[8] n’atteindra jamais son niveau.
Les robots nettoyeurs, j’ai entendu dire qu’ils rencontraient assez souvent des pannes, je me trompe ?
 Getsuyaku fronça les sourcils.
Eh bien, cela n’arrive pas si souvent.répondit-il à contrecœur.
Alors, au sujet d’avancer la maintenance ? Ce n’est pas quelque chose d’inhabituel, n’est-ce pas ?
Faire cela, et bien… Ce n’est pas quelque chose que je ne peux pas faire.
Inukashi se retint d’éclater de rire.
Cet homme était trop honnête.
Bien que Gestuyaku devait mettre un frein à la proposition d’Inukashi, le sérieux avec lequel il lui répondait si honnêtement était amusant.
Ce n’était pas le moment de rire. Inukashi ne pouvait pas se laisser aller à rire et il serra les lèvres. Il devait amener Getsuyaku de leur côté, même s’il devait utiliser le caractère honnête et sérieux de son adversaire.
Ce n’est pas quelque chose que tu ne peux pas faire, donc, cela veut dire que c’est quelque chose que tu peux faire, Getsuyaku-san
Avancer le jour de la maintenance… Eh bien, ce n’est pas impossible. Mais, que veux-tu dire par détraquer les robots ?
Juste ce que j’ai dit. J’aimerais que tu les manipules afin qu’ils fassent le contraire d’un nettoyage.
Le contraire ?
Les faire cracher les ordures. Toutes les ordures qu’ils ont accumulées à l’intérieur. Et j’aimerais que tu y mélanges ceci.
 Inukashi sorti et lui montra une bouteille contenant une petite capsule.
Qu’est-ce que c’est ?
Rien de dangereux, tu peux te détendre. Cela relâche juste un peu de puanteur. En plus, elle n’est pas très forte. Cette capsule à la propriété de se dissoudre peu à peu dans l’air. Peu à peu.
Pourquoi y mélanger une telle chose ? En plus de faire cracher les ordures aux robots ?
C’est une farce.Inukashi haussa les épaules et ricana. Mais, il ne ressentait pas une once d’amusement. Il était tellement nerveux que tout son corps était mouillé de sueur. Il n’était pas capable de rire.
 Il rit tout de même. Il tourna vers Getsuyaku un visage souriant comme celui d’un enfant qui pensait à faire une farce. Getsuyaku ne sourit pas. Son visage exprimait qu’il ne croyait pas un mot de ce qu’avait dit Inukashi.
Tch, quel suspicieux celui-là. Il semble que ce soit vraiment un poltron.
Si les robots répandent des ordures et de la puanteur, cela se transformera en un extraordinaire bazar. Est-ce que je me trompe ?
Getsuyaku secoua la tête. Ses doigts tenaient encore la pièce d’or.
Sans erreur, ce serait un grand bazar. Les types de l’intérieur du complexe, en mettant de côté les détenus, font leur travail dans des pièces toujours propres et confortables. Elles ne doivent même jamais avoir connu la saleté. Oui, ces pièces n’ont jamais été touchées par de la salissure.
Hein dit ? Personne ne pense à quel point ton travail est difficile et important. Alors faisons-leur une petite farce. Détraque les robots nettoyeurs, qu’ils crachent des ordures. Ainsi, les types de l’intérieur vont faire un de ces vacarmes, et en premier lieu…
Ils m’ordonneront de stopper les robots.
C’est ça. Tu arrêtes les robots. Et là… Et là, tu seras sans doute appelé dans le bâtiment.
Afin de réparer les robots ? Oui, et bien, c’est possible.
Et pour nettoyer. Il te sera ordonné de débarrasser les ordures. Parce qu’il n’y a personne d’autre qui peut le faire. Ils vont t’appeler. Et elle s’ouvrira.
Qu’est-ce qui s’ouvrira ?
La porte. Celle qui ne peut absolument pas l’être de ton côté, s’ouvrira. Tu passeras la porte en portant à la main ton équipement de nettoyage désuet. A ce moment-là, cette capsule se sera dissoute et la puanteur aura commencé à se répandre aux alentours. Si ce n’est pas le cas, tu l’écraseras avec ton pied. Le résultat sera peut-être même plus efficace. Oui, ah, ne t’inquiète pas. Je te l’ai dit avant, la capsule ne sent pas si fort que ça. Même si les capteurs de puanteur s’en aperçoivent, il n’y a vraiment aucun danger. Mon nez y est peut-être tellement habitué qu’il ne la sent plus, mais je ne pense pas que ces types raffinés pourront le supporter. Cela deviendra encore un plus grand bazar. Et toi, tu feras mine de tout nettoyer avec précipitation. Et..
Allez, maintenant vient le moment décisif.
Inukashi baissa la voix et chuchota à l’oreille de Getsuyaku.
Un mot, deux mots.
Le corps de Getsuyaku se raidit. Sa bouche s’ouvrit à moitié, et laissa apparaitre quelques-unes de ses blanches et solides dents.
Jamais je ne pourrais faire une…, une telle chose !
Pourquoi ? C’est très facile. Je pense qu’utiliser une pelle mécanique est bien plus compliqué.
Si je suis pris à faire une telle chose. Je serais viré… Non, cela sera pire qu’être viré. Je serais arrêté par le Bureau de la sécurité publique… Aaah, je laisse tomber. J’en ai la chair de poule rien que d’y penser. C’est non. Je refuse catégoriquement. Rentre chez toi s’il te plaît, Inukashi. Je te rends ceci.
Getsuyaku lui tendit la pièce d’or. C’était une véritable pièce d’or. Elle émit un faible éclat de lumière.
Inukashi grimaça un sourire. Il eut l’impression de sourire plus habilement que la fois précédente.
Tu me la rends ?... Je vois. Tu n’es pas cupide.
Ma vie est plus précieuse que mes désirs.
Inukashi posa délicatement sa main brune sur la paume de Getsuyaku.
Ah…hoqueta Getsuyaku.
Il y avait maintenant deux pièces d’or dans la paume de sa main.
Hé, Inukashi, c’est…
Encore une.dit Inukashi en ajoutant une troisième pièce.
Trois pièces d’or. Qu’en dis-tu ?
Pourquoi, pourquoi, c’est une telle somme d’argent…
Ce n’est que le prix du travail que je te demande. Si tu l’accomplis bien, je te donnerais trois autres pièces comme rémunération.
Inukashi, qu’est-ce que tu as l’intention de faire ? Ce n’est pas pour une simple farce, n’est-ce pas ? C’est impossible que cela soit pour ça. En plus, où est-ce que tu as trouvé une telle somme ?
Il n’y a qu’une question. Vas-tu accepter ou refuser ma demande ? Non, il t’est déjà impossible de refuser.
Pou, pourquoi cela ? Je vais refuser. Je refuse.
Je t’ai dit que c’était impossible. Ne m’as-tu pas vendu des informations sur l’intérieur du complexe ? Tu l’as déjà oublié ?
Inukashi essaya de lécher sa lèvre inférieure. Elle était sèche et rugueuse. Les battements de son cœur s’étaient calmés. En regardant le visage de Gestuyaku blêmir, son sourire s’élargit encore plus.
Tout va bien. Je suis calme. Je ne vais pas me hâter et commettre une gaffe de dernière minute. Tout va bien.
Avant, tu m’as appris la disposition du système électrique de l’intérieur de la Maison de redressement.
Je, … mais… Je ne connais ce domaine qu’approximativement.
Mais tu me l’a appris. Non, tu me l’as vendu. A ce moment-là, je suis sûr de t’avoir payé deux pièces d’argent. Tu m’as vendu des informations sur ton lieu de travail pour deux pièces d’argent. Si c’est découvert, seras-tu viré ou pire… ?
Je, je voulais de l’argent. Ma femme était tombée malade et il a fallu que je l’emmène chez le médecin.
Oui, tu es quelqu’un qui pense au bien de sa famille. Cependant, tu penses qu’une telle raison fonctionnera avec les autorités ? Afin de nourrir ma famille, j’ai vendu des informations à un habitant du Block ouest pour deux pièces d’argent. Je suis désolé. Que fera le Bureau de la sécurité si tu leur avoues tout cela ? Ah, vont-ils te remercier pour le service rendu en te disant : Cela a dû être dur ? Impossible. Cela n’arrivera jamais. Même toi, tu comprends bien ta propre situation et la dangerosité du Bureau de la sécurité publique, n’est-ce pas ? Oohh, effrayant. J’en ai la chair de poule rien que d’y penser.se moqua Inukashi en frottant ses deux bras nus. Le visage de Getsuyaku devint encore plus pale, terrassé et ressembla à une mauvaise caricature dessinée sur une feuille de papier.
Tu, tu as l’intention de me faire chanter ?
Je t’enseigne la réalité. C’est gratuit.
Getsuyaku gémit. Inukashi lui tapota une épaule.
Je t’ai dit que tout irait bien. Aucun mal ne t’atteindra. Je te le garantis. Réfléchis-y. Tu as toujours travaillé avec sérieux. Tu es enregistré comme un citoyen. Qui te suspecterait ? Personne. Parce qu’il n’y a personne qui ne fait attention à toi. Il n’y a personne qui te regarde.
Mais, les caméra de surveillance…
Si tu agis de manière peu naturelle, tu seras pris. Mais, si tu te comportes de manière naturelle, il est facile de les tromper. Même si les machines envoie des images nettes, elles ne peuvent refléter ce qui ce passe dans le cœur d’une personne. Quoi qu’il en soit, tu es déjà impliqué dans cette histoire.
Inukashi lui glissa une nouvelle pièce d’or.
Tu vas accepter, n’est-ce pas, Getsuyaku-san.
Oui… Juste cette fois. Juste pour cette fois.
Merci. Alors demain. Juste avant que tu finisses de travailler.
Oui… Le reste de l’or. Tu vas vraiment me le donner ?
Les chiens sont différents des êtres humains. Nous ne mentons pas. Une fois que nous faisons une promesse, nous nous y tenons.
Mais… Ah ?
Quoi ?
Ce n’était pas les pleurs d’un bébé ?
Un bébé ? Je n’ai rien entendu.
J’aurais juré avoir entendu un bébé…
Tu en as eu l’impression ? Allez, ton bébé va bientôt venir au monde, n’est-ce pas ? C’est pourquoi tu peux entendre les pleurs d’un bébé dans le chant du vent. Mais ce n’est que le vent. Quand le bébé sera né, tu auras besoin de d’avantage d’argent. Tu auras besoin d’un lit chaud pour lui, et de lait nutritif en abondance.
Getsuyaku bougea les lèvres comme s’il allait dire quelque chose, mais finalement, il ferma la porte de la salle de contrôle des nettoyages sans rien dire.
Lorsque la lumière qui s’échappait de la salle eut disparue, les alentours furent enveloppés d’une obscurité épaisse. Le vent charrié par la nuit souffla entre ses pieds.
Pfiou. soupira un grand coup Inukashi. Même avec un tel vent, son corps était trempé de sueur. Ses épaules lui semblait lourd, sûrement parce que ses muscles étaient crispés.
Pfiou.soupira-t-il encore, cette fois de manière intentionnelle. Reprenant son souffle, l’air froid se glissa dans ses poumons et y tournoya.
Est-ce que ça a marché ? Ai-je assuré leur corde de secours correctement ?
Je n’en suis pas certain.
Getsuyaku, cet homme peureux et honnête, se faisait sûrement du souci. Il était sûrement perdu. Il allait probablement gémir jusqu’à la dernière minute, avant de se décider.
Que dois-je faire ? Que devrais-je faire ? Je le fais ? Je renonce ? Aah, que dois-je faire ? Que dois-je faire ?
Quelle sera la décision de dernière minute de Gestuyaku ? Va-t-il agir comme Inukashi le souhaitait ? Il n’en n’était pas certain.
Le cœur humain ressemble à l’extrémité fine d’une branche d’arbre.
Il est facilement ébranlé par le vent.
Est-ce que tout ce que je peux faire c’est d’y croire ?
Pas croire en Getsuyaku, seulement en notre propre chance. Le visage de Shion lui vint à l’esprit. Le profil de Nezumi aussi.
Je ne peux que croire en ces deux-là.
Il marcha d’un pas rapide dans l’obscurité. Une ombre noire bougea à côté d’un chariot servant à transporter les restes de nourriture. Des sanglots en provenaient.
Ne le laisse pas pleurer !dit Inukashi, en faisant clairement claquer sa langue et se renfrognant.
Pour quelle raison ai-je pris une baby-sitter ? Occupe-toi de lui comme il le faut. Je te demande de ne pas le laisser sangloter comme ça, le vieux.
C’est moi qui veux pleurer, vraiment !dit Rikiga[9], qui portait le bébé, et il fit claquer sa langue. Il devait probablement faire la grimace. Bien qu’Inukashi ne le distinguait pas, enveloppé par l’obscurité.
Tiens, Shion[10], Maman est revenue. C’est bien.
C’est qui la maman !?
N’importe qui fait l’affaire. A part moi bien sûr. Tiens.
Rikiga passa le bébé enveloppé dans une couverture douillette à Inukashi. La couverture avait été fournie par Rikiga. Le poids et la chaleur du bébé se propagèrent dans les bras d’Inukashi. Il eut l’impression qu’il était un peu plus lourd.
Impossible. Ça doit être mon imagination.
Le bébé ramassé dans les décombres buvait le lait de la chienne, gigotait, souriait souvent et pleurait tout le temps. Il avait des yeux grands et curieux, ainsi que des joues potelées.
Ma ma.fit le bébé en tendant ses bras vers Inukashi. Comme s’il cherchait quelque chose, comme s’il demandait quelque chose, comme s’il appelait quelque chose.
Tiens, tu vois, il t’appelle maman. Sa maman lui manque.
Seulement parce que ton haleine empeste l’alcool, le vieux. Oh, yosh yosh, pauvre petit. Ça dû être pénible, Shion.
Alors ?
Hmm ?
Quel est le résultat ?
Je ne sais pas. J’ai fait tout ce que je pouvais. J’ai agis selon les instructions de Nezumi.
Rikiga renifla.
Eve ? Bon sang, quel gosse arrogant ! Il se fait emprisonné dans la Maison de redressement et il nous donne en plus des ordres ?! Pour qui se prend-il ?!
Nezumi est Nezumi. Il ne se prend pour personne. De plus, ils ne se sont pas fait emprisonner dans la Maison de redressement, ils ont passé ces portes de leur propre volonté.
Les portes de l’enfer !
Hey, le vieux ?
Quoi ?
Tu penses qu’ils vont revenir ?
Alors qu’ils ont franchi les portes de l’enfer ? Impossible. Il faudrait un miracle pour cela.
Il semblerait que les miracles arrivent relativement facilement. C’est ce qu’a dit Nezumi une fois.
Nezumi est un escroc. Il n’y a pas de vérité dans les mots de ce type plus grosse que la tête d’une mouche. Je… Inukashi, je désire vraiment que Shion puisse rentrer.
Et Nezumi ?
Je me fous d’Eve. Vraiment aucun problème si je ne le revois jamais. Je serais le plus heureux si j’avais à ne jamais le revoir. Ma vie serait un peu plus joyeuse.ricana Rikiga.
Inukashi rit silencieusement. L’humeur de Rikiga était vraiment terrible. C’était amusant. Inukashi en connaissait la cause. Cela rendait la situation encore plus amusante.
Tsukiyo.appela-t-il à voix basse. C’était le nom d’une souris. Shion l’avait sûrement aussi nommée. Hamlet, Cravate, Tsukiyo… C’était une chose étrange. Avant pour lui, ces souris étaient toutes les mêmes. Depuis qu’ils savaient leurs noms, il arrivait à les distinguer les unes des autres.
C’était vraiment une chose étrange.
Cri-cri.
De dessous un chien noir allongé sur le sol, apparu une souris de la même couleur.
Transmets ceci à ton maître. J’ai accomplis tes instructions. Tout ce déclenchera demain soir.
Cri-cri.
Je vais prier pour que tu arrives sans problème auprès de ton maître, Tsukiyo.
Cri-Criiii.
La souris disparue aussitôt dans l’obscurité.
Cette bestiole, elle sait où se trouve Eve ?
Je crois.répondit Inukashi.
A-t-elle aussi compris tes paroles ?
Elle peut sans doute te comprendre aussi, le vieux. Du moment que tu es sobre, elle comprendra très bien tes paroles.
Comment ? Ce n’est qu’une souris.
Ce n’est pas qu’une souris. Les souris ordinaires ne comprennent pas le langage humain. Celles-ci, étrangement, sont intelligentes. Elles comprennent les mots et saisissent les intentions derrière ceux-ci. Ce n’est pas étonnant que Nezumi les traite comme un trésor sans prix.
Comment se fait-il que ce ne soit pas des souris ordinaires ?
Ça, j’en sais rien.
Est-ce que ce sont des micro robots ?
Non. Ce sont des êtres vivants à part entière. Bien qu’elles aient des capacités intellectuelles. Par exemple Shion, il leur fait la lecture. Un quelconque classique appelé Trucmachinchose[11]. Le vieux, tu n’as jamais lu de classiques, n’est-ce pas ?
Je n’ai jamais lu aucun classique appelé Trucmachinchose.répondit sarcastiquement Rikiga. Mais, pourquoi ces souris ont-elles des capacités intellectuelles ?
Je t’ai dit que j’en savais rien. Nezumi les a élevées. Ce n’est pas étrange que ce ne soient pas des souris ordinaires.
Evidemment que c’est étrange ! Où est-ce que Eve à trouver de telles souris ?
Le vieux ?
Quoi ?
Pourquoi tu leur portes un tel intérêt ? Quoi ? Tu penses que tu peux faire des bénéfices en utilisant ces souris ?
Bien sûr que non. Je ne toucherais pour rien au monde aux souris d’Eve. Je n’y toucherais pas même si elles tenaient entre leurs dents des pièces d’or.
Inukashi pensa qu’il était impossible que Rikiga ferme les yeux sur des souris tenant entre leurs dents des pièces d’or, mais il haussa les épaules et ne dit rien.
Des souris capables de comprendre le langage humain…
Une de ces souris était venue avec une lettre entre les dents durant la journée. C’était un message de Nezumi. Les mots avaient été rédigés avec une plume fine.
Inukashi, j’ai donné l’ordre de te transmettre cette lettre après la Chasse à l’homme. Connaissant mes souris, elles te l’auront transmise sans erreur.
Il n’y avait ni salutation de circonstance ni préambule formel. Cette lettre commençait de manière terriblement abrupte.
Est-ce que Nezumi ne sait même pas écrire une lettre convenablement ? Ou bien pense-il que c’est inutile de me saluer ? Si c’est le cas, alors c’est vraiment un type impoli !
La lettre de Nezumi était inattendue et surprenante. Il l’avait lu comme s’il la dévorait malgré ses plaintes.
Il avait grogné en la lisant.
Les instructions détaillées pour ceux restés au Bloc ouest y étaient écrites. Inukashi avait fini de la lire et commencé à comprendre la signification du regard brillant et significatif que lui avait adressé Nezumi.
Je vois. Alors tu veux que j’agisse ainsi ? Quelle merveilleuse lettre d’amour que tu m’as envoyé !
Ce type est incroyablement répugnant, bien que ce ne soit pas nouveau.
Il avait pris une profonde inspiration. Il devait prendre une décision. Ecraser la lettre et faire comme s’il ne savait rien ? Ou agir selon les instructions de Nezumi ?
Il avait eu un moment d’hésitation. Après avoir plié la lettre avec soin, Inukashi avait poussé un profond soupir.
Dans la lettre, il n’était pas question que d’Inukashi, il y avait aussi des instructions précises pour Rikiga. C’est ce qui avait mécontenté Rikiga.
Ce sale gamin veut me commander pour tout et rien ?! Putain, c’est comme si j’étais manipulé de loin par ce rat au tempérament diabolique ! Ça m’énerve !s’était fâché Rikiga.
Alors, tu vas l’ignorer ?
Comme si je pouvais le faire. La vie de Shion en dépend.
Une montagne de pièces d’or en dépend aussi.
Tu as raison.
Amour et désir. Lorsqu’elles étaient réunies, ces deux dispositions faisaient agirent presque tout le monde. Malgré les plaintes et le déplaisir dont faisait preuve Rikiga, il avait agi habilement et promptement. Il s’était muni de plusieurs mini-bombes. Il les avait sans doute préparées auparavant.
Il avait grommelé qu’il avait dépensé une somme extravagante, mais s’ils mettaient la main sur un tas d’or, ses achats ne seraient plus rien.
Inukashi et Rikiga avaient accompli la moitié des instructions de Nezumi. Restait l’autre moitié. C’était le moment critique.
Il est certain que Tsukiyo et les autres souris sont nos alliées. C’est déjà une bonne chose.se confia Inukashi. Que ce soit des humains, des chiens ou des souris, ils devaient être reconnaissants que ce ne soient pas des ennemis. Inukashi souhaita que Rikiga se casse la tête sur l’étrangeté et l’énigme des souris lorsqu’ils auraient un peu plus de temps.
Nezumi était quelqu’un de mystérieux, même en cent, tu n’arriveras pas à le comprendre, le vieux.
Uba, uba, uba.fit joyeusement Shion.
Félicites-nous, Shion !
Inukashi leva le petit corps vers le ciel où brillaient les étoiles.
Célèbres-nous ! Pour notre présent et pour notre futur !
Babu.
Soudainement, Shion leva son bras qui était enveloppé de tissu en lambeaux. Il le tendit verticalement comme pour indiquer quelque chose.
Qu’est-ce qu’il y a ?dit Inukashi en levant les yeux sur la cité dorée. La cité sainte N°6 brillait et se découpait sur l’obscurité d’encre.
Le petit doigt de Shion pointait précisément sur cette lumière dorée.
C’est N°6. Qui y-a-t’il à son propos ? Elle te préoccupe ?
 Shion ne souriait pas. Il ne pleurait pas non plus. Avec ses yeux violets grands ouverts, il fixait intensivement et exclusivement N°6. 






[1] Le titre du chapitre est une partie d’une citation tirée de La Mère l’Oie. La citation entière le suit. J’ai essayé d’en faire la traduction, mais je ne suis pas sûre du tout. Il faudrait que je trouve le livre et que je vérifie.
[2] Rire étouffé ou gloussement caractéristique de Nezumi.
[3] Ici, j’ai traduit comme si Inukashi entendait Nezumi lui dire cela.
[4] Sous-entendu à son lieu de travail.
[5] Lost Town est le quartier le plus défavorisé à l’intérieur même des murs de N°6. C’est là que Shion et sa mère ont vécu depuis sa première rencontre avec Nezumi et la perte de leurs privilèges.
[6] C’est l’onomatopée pour le son d’un battement du cœur. En français, c’est boum boum. Mais j’ai préféré laisser ainsi.
[7] En français, cela signifie Ippo -> un pas, Niho -> deux pas, Sanpo -> trois pas. D’où l’incrédulité d’Inukashi pour le manque d’originalité.
[8] Nezumi travail dans un théâtre et son pseudo d’acteur est Eve.
[9] Rikiga est un vieil ami de la mère de Shion et qui est amoureux d’elle. Il en vient à avoir de l’affection pour son fils et lui apporte son aide.
[10] Comme c’est Shion qui a trouvé le bébé, ils lui ont donné son nom.
[11] Inukashi dit Nancharakanchara. Je crois que c’est une expression équivalente pour notre trucmachinchose.

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