Histoire de la Carpe[1]
à la capitale impériale
Premier acte – La Détermination du clan
Nura à se battre
Chapitre un
Dans la luxueuse demeure, le bruit d’une mêlée se
poursuivait.
Aux sons de
lames s’entrechoquant, des craquements des portes coulissantes intérieures et
extérieures[2] qui se brisaient, se
superposaient des rugissements et des bruits de pas désordonnés. Toute la
demeure se remplissait d’ondes meurtrières et d’énergie magique. Car le combat
se déroulait entre des Ayakashi[3].
Dans la banlieue d’Edo, le clan Nura combattait un
autre clan dans sa demeure entourée d’un bosquet. C’était une véritable attaque[4].
Le clan Nura était mené par le Commandant suprême,
Nurarihyon. Ses plus importants généraux participaient aussi à l’attaque.
Le clan qu’ils combattaient était une nouvelle
organisation. Il avait ouvert une maison de jeu sur le territoire du clan Nura sans
venir se présenter officiellement, et semblait voler 「l’Osore[5]」des Divinités terrestres dont s’occupait le clan
Nura.
Comme il n’arrêtait pas de ravager leur territoire,
le clan Nura, à plusieurs reprises, l’avait averti, mais l’adversaire avait
fait la sourde oreille. En plus, il avait perpétré des actes
malveillants : il avait immodérément trompé les gens, et infligé de graves
blessures à la population.
Sa patience s’arrêtant là, le Commandant suprême
avait accepté l’attaque de cette nuit. Il mena son Cortège démoniaque[6] dans
la luxueuse demeure ennemie.
Il savait que l’「Osore」de l’ennemi était insignifiante. C’était
de stupides Yôkai qui avaient formé un clan, essayaient d’avoir l’air important,
et se rebellaient contre le clan Nura. Le combat avait été déclenché par le
clan Nura en toute connaissance de cause.
Donnant un coup de pied à l’une de ces vermines qui
l’attaquait avec un Wakizashi[7], le
Commandant suprême descendit dans le jardin depuis la véranda[8]. Le
combat n’était pas pour détruire, si le chef adverse reconnaissait la puissance
du clan Nura, ce serait la fin de l’attaque.
Il avait vu le chef ennemi se démonter et fuir dans
le jardin. La meilleur chose à faire aurait été de l’abattre immédiatement,
mais des Yôkai subalternes affluèrent, et cela pris du temps de s’en
débarrasser.
Le chef ne devait pas s’enfuir hors de sa demeure.
Afin que cela n’arrive pas, il avait placé quelques Yôkai autour de la demeure,
et aussi quelques guetteurs dans le ciel.
Il tourna son regard vers une lanterne de pierre
environnée d’une sombre obscurité, qui se trouvait à quelques mètres de là (1
ken mesure environ 1,8 mètre). Il ressentait la présence de l’ennemi juste derrière.
A l’instant où il tournait la tête, un Yôkai
l’attaqua avec un long Wakizashi[9] ;
à son côté surgit Hitotsume Nyûdô[10], qui
se débarrassa de ce Yôkai. Avec un bref râle d’agonie, la vermine ennemie tomba
dans le jardin.
「Ce n’est pas le moment de rêvasser, Commandant suprême」
Hitotsume, en mordillant son kiseru[11], fit
un grand sourire.
「Ce n’était pas mon intention de rêvasser」dit le Commandant suprême avec un
sourire forcé.
Même si
Hitotsume n’avait pas tué l’ennemi sur son flanc, lui-même l’aurait fait à
temps avec son propre long Wakizashi. Il le savait, mais contre toute attente,
il avait été étonné que l’ennemi soit si proche.
------ C’était
un fait.
Il pensa qu’il l’avait trop laissé s’approcher.
Après cela, le chef ennemi fut découvert par Kappa[12] qui
se dissimulait dans l’étang du jardin et fut capturé facilement. Le chef
ennemi, à genoux devant le Commandant suprême, dès le début ne s’attendait pas à rencontrer une telle volonté de protéger
les faibles. Son clan fut dissous et, les larmes aux yeux, il jura de ne
jamais revenir sur le territoire du clan Nura.
Après avoir arrêté le saccage de son
territoire, le Commandant
suprême pris le chemin du retour en volant dans le ciel sur un Serpent géant. Il
continuait à réfléchir sur le fait que pendant un instant il avait été acculé
par l’ennemi.
L’esprit tourné
vers la recherche du chef ennemi, il avait senti trop tard la présence ennemie.
C’était peu de chose, mais pour lui c’était comme avoir une arrête dans la
gorge, et cette idée continuait à tourner dans son esprit.
------Peut-être
était-ce la vieillesse ? pensa-t’il, cela commençait finalement.
La vieillesse
d’un Yôkai était complètement différente de celle d’un être humain. En 500 ans,
en 1000 ans leur visage pouvait ne pas changer ; et ce n’était pas que la
durée de leur vie, mais leur finesse d’esprit et leur force physique augmentaient
aussi.
Si par nature,
le Commandant suprême Nurarihyon était ce genre de Yôkai, il avait déjà eu une
fois auparavant de l’annonce de la fin.
Ce fut dans la
tour du château d’Osaka, à l’époque où l’Esprit renard dévorait les foies. A ce
moment-là, son corps ne vieillissait pas encore comme celui d’un être humain. Cependant,
il était sûr que sa manche de kimono avait été attrapée par le Shinigami[13] de
la vieillesse.
Trois jours
auparavant, le Commandant suprême avait trouvé un poil blanc dans sa barbe de
plusieurs jours. Il l’avait arraché et celui-ci n’avait pas encore repoussé,
mais depuis, il y repensait parfois.
------En y
réfléchissant, cela faisait déjà dix ans…
Dix années
s’était écoulées depuis que son trésor, Rihan, était venu au monde. Son fils
sang-mêlé, comme son père et sa mère l’avaient pressenti, était devenu un petit
fripon.
Rihan était
appelé à moitié par plaisanterie 「Second, Second[14]」par les généraux du clan et, le Commandant suprême
lui-même, quelques fois, se laissait emporter.
「Rihan n’a pas encore dix ans.」le réprimandait dans ces moment-là, sa
femme Yôhime, avec une expression déterminée.
Bien sûr, c’était
encore trop tôt. Rihan n’avait pas encore appris que ce soit la détermination
ou le code des Yôkai. Pourtant, cela n’avait
rien d’une plaisanterie. Le jour où Rihan serait appelé officiellement 「Second」approchait sans aucun doute.
Et, quand il pensa
à ce jour, les lèvres du Commandant suprême sourirent spontanément. Il voulait prendre
rapidement sa retraite, et ne plus penser au fait de vieillir. Ce serait un pur
bonheur.
Il n’y a pas un
parent qui ne soit heureux de voir grandir son enfant. En cela, les Humains et
les Yôkai étaient semblables.
[1] "Carpe"
est le surnom de Rihan, ainsi que l’un des kanji de son prénom. Son nom en
entier est un jeu de mots sur sa nature de Yôkai et le fait qu’il est à moitié
humain.
[2]
Porte coulissante recouverte de papier et porte coulissante en bois dans les
maisons japonaises traditionnelles.
[3]
Les ayakashi sont des esprits ou des fantômes, voire des monstres du folklore
japonais.
[4] "Deiri"
terme difficile à traduire. Il signifie rixe ou bagarre. Je le traduis par
attaque. Car ici, les Yôkai respectent des règles précises, ils le disent eux
même, ils ne sont pas des voyous qui attaquent sans réfléchir.
[5] Peur
ou terreur, c’est le pouvoir d’inspirer la terreur de créatures surnaturelles
aux humains.
[6]
Cortège de 100 démons
[7]
Courte épée.
[8]
Véranda en bois qui fait le tour de la maison de style japonais.
[9] Le
Wakizashi est un sabre japonais à lame courbe plus court qu’un Katana, entre 30
et 60 cm.
[10]
Hitotsume signifie "un œil", car c’est un Yôkai cyclope et Nyûdô "monstre
au crâne rasé". Contrairement aux humains, la plupart des Yôkai n’a pas de
nom. Ils se nomment entre eu par la sorte de Yôkai qu’ils sont, ou des surnoms.
[11]
Pipe traditionnelle japonaise, longue et fine.
[12]
Yôkai aquatique.
[13]
Dieu de la mort japonais.
[14]
Sous-entendu que Rihan prendra la tête du clan un jour.
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